EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le Régime Social des Indépendants a été créé en 2006 avec l'objectif de simplifier la protection sociale des indépendants. Il fusionne en effet les trois régimes autrefois distincts de la Caisse nationale d'assurance maladie des non-salariés (CANAM), de la caisse autonome de compensation de l'assurance vieillesse artisanale (CANCAVA) et de la caisse de compensation de l'organisation autonome de l'industrie et du commerce (ORGANIC).
La création de l’Interlocuteur social unique (ISU), à l’initiative de la précédente majorité, est le second volet d’une réforme de simplification souhaitée en 2003 et consiste à confier au réseau des URSSAF (qui collectaient déjà les cotisations famille ainsi que la CSG/CRDS) le recouvrement de la totalité des cotisations des travailleurs indépendants. Cependant, l’affiliation et le recueil de la déclaration des revenus sont gérés par le RSI qui constitue l’interlocuteur unique des assurés.
De même, il gère les pensions de retraites des artisans, des commerçants et des indépendants qui ne sont des professions libérales (CNAVPL pour les professions libérales et CNBF pour les avocats), ainsi que de leurs ayants-droit.
Ainsi, en 2013, le RSI comptait : 2,8 millions de cotisants (41% de commerçants, 36% d’artisans et 23% de professions libérales), 4,2 millions de bénéficiaires (2,3 millions d’actifs, 0,7 million de pensionnés et 1,3 million d’ayants droit), et 2 millions de retraités (soit 12% des pensionnés de l’ensemble des régimes de sécurité sociale).
Malheureusement, depuis sa création, les relations cotisants-RSI se sont fortement dégradées du fait plusieurs facteurs : des modes de prélèvements qui ne prennent pas compte les difficultés de certains commerçants ou artisans, des délais de traitement des dossiers très longs, un manque de lisibilité des nouvelles règles, tant pour les cotisants que pour les personnels (notamment des plates-formes téléphoniques surtaxées et déficientes), des doubles prélèvements, ou encore des appels de cotisations déjà payés pouvant mener jusqu’à des dépôts de bilan.
S’agissant du fonctionnement interne, il s’avère que le budget de fonctionnement annuel est de 560 millions d’euros annuels, soit 17% plus élevé que le système précèdent, et ce pour un résultat humain et un bilan financier catastrophiques, alors même que l’objectif initial était une diminution de 12,5% des coûts de gestion. Ceci s’explique notamment par une politique de sous-traitance massive, totalement inadaptée à la réalité économique quotidienne à laquelle font face les entrepreneurs et professions libérales, des outils informatiques inadaptés, et des frais liés à l’entretien et à l’occupation de locaux en inadéquation avec la mission de service public.
Les cas de contentieux sont nombreux et aussi divers que les missions du RSI. Ainsi, s’agissant par exemple de la prévoyance retraite, on peut citer le cas de personnes qui attendent leur pension de retraite depuis plusieurs années, le RSI ayant perdu leur dossier.
Les exemples de dysfonctionnements en matière de d’assurance maladie sont tous aussi ubuesques, comme, par exemple, le cas d’un affilié qui a dû attendre 18 mois pour obtenir sa carte vitale, et à qui on a attribué un « faux numéro », ou encore de ceux qui ont été radiés du régime général parce que devenus autoentrepreneurs à leur retraite, et qui se sont retrouvés du jour au lendemain sans carte vitale durant plusieurs mois, alors qu’il étaient atteints de pathologies lourdes pourtant prises en charge à 100%.
Enfin, des dysfonctionnements réguliers ont pu être constatés en matière d’appel à cotisations. On peut ainsi citer le cas de personnes à qui le RSI a réclamé des cotisations non dues, qui ont été obligés de payer au RSI ce qu’elles ne devaient pas (sous menace d’action judiciaire) et qui se sont fait rembourser en partie les trop-pleins versés ; d’affiliés qui ont mis plusieurs mois avant d’obtenir un étalement de leurs dettes, avec avis d’huissier et saisie des meubles ; d’autres qui, face à la mauvaise foi d’un RSI avançant qu’aucun contact n’avait été pris de la part des cotisants avec ses services, ont saisi le Défenseur des droits qui a constaté que cela était manifestement faux, ou encore ceux à qui le RSI a changé l’adresse sans raison, qui, de ce fait, ne recevaient plus les courriers et qui ont été contraints de payer des pénalités.
Un rapport de la Cour des comptes de 2012 estimait à l’époque que les dysfonctionnements constatés étaient tels qu’ils mettaient en péril le système-même d’assurance maladie et retraite des indépendants, et qu’une remise en question du régime pouvait légitimement être demandée.
Les préconisations de ce rapport ont néanmoins permis d’aboutir à une série d’améliorations elles-mêmes relevées par un rapport réalisé par deux collègues du Sénat (MM. Jean-Noël Cardoux et Jean-Pierre Godefroy) en juin 2014.
Ceux-ci ont notamment relevé que des actions de redressement de la qualité du service avaient été mises en œuvre, comme par exemple la fin des dispositifs d’urgence, tels que la suspension des procédures ordinaires de recouvrement amiable et forcé ; une réorientation des indicateurs, tels que le temps d’affiliation passé de 3 mois à 10 jours, le traitement des indemnités journalières inférieures à 15 jours, ou encore la diminution du nombre de réclamations entre 2012 et 2013; le développement de nouveaux services, tels que la mise en œuvre d’une stratégie relation-clients axée sur la fiabilité, la réactivité et le sens du service, ou encore la dématérialisation des procédures.
De même un nouveau mode de calcul des cotisations est appliqué depuis le 1er janvier de cette année, basé non plus sur les revenus de l’année N-2 mais ceux de N-1, permet de rapprocher le mode de prélèvement des revenus réels des indépendants.
Mais malgré ces différentes avancées, les problèmes de fond demeurent, et ce en raison d’une complexité d’organisation intrinsèque au système de protection sociale des indépendants qui intègre partielle les professions libérales, de la délégation de la gestion du risque maladie et d’une ligne de partage de compétences peu claire entre URSSAF et RSI.
Une réaction politique est donc indispensable. En effet, à l’heure où le climat économique et social est des plus moroses, ce régime, au lieu de simplifier la vie des entrepreneurs, l’a considérablement compliquée, causant des dépôts de bilan, des destructions d’emplois, et des situations humaines et sociales dramatiques.
C’est pourquoi plusieurs députés « Les Républicains » avaient déposé une proposition de résolution visant à instaurer une commission d’enquête sur l’organisation et les dysfonctionnements du RSI dès septembre 2013.
Un amendement demandant au Gouvernement un rapport sur cette situation avait été déposé à de nombreuses reprises, dans le cadre de l’examen des deux derniers projets de loi financement de la Sécurité sociale, sans toutefois accueillir une réponse favorable du gouvernement.
Et c’est parce que ces demandes sont restées vaines que 116 députés de l’UDI et du groupe Les Républicains se sont joints à Julien Aubert et Bruno Le Maire pour demander à Claude Bartolone une mission parlementaire sur ce sujet.
Toutes les initiatives des députés de l’opposition ont été rejetées par le Gouvernement et la majorité de l’Assemblée nationale. En revanche, le Premier ministre a nommé deux parlementaires du groupe SRC en mission auprès du Ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes. Un rapport d’étape a été rendu le 30 juin 2015 mais force est de constater que les propositions ne sont pas à la hauteur des enjeux et ne répondent pas à la crise actuelle.
C’est la raison pour laquelle, la présente proposition de loi vise à proposer des mesures simples et pragmatiques.
Contraints par l’article 40 de la Constitution, les députés ne peuvent pas mettre en place eux-mêmes certains dispositifs qui entrainent une dépense pour l’Etat. Néanmoins la mise en place de ces dispositifs doit pouvoir être débattue au Parlement et c’est au Gouvernement qu’il appartiendra de prendre ses responsabilités. Les députés n’ont formellement pas d’autres solutions que de demander la remise d’un rapport au Parlement sur un point spécifique.
La proposition de loi comprend ainsi une douzaine d’articles déclinés en trois chapitres :
- Des mesures de court terme pour apporter une solution rapide aux difficultés actuelles rencontrées par les entrepreneurs ;
- Des mesures de moyen terme pour améliorer le fonctionnement du RSI ;
- Des mesures de long terme pour faciliter l’activité des entrepreneurs.
L’article 1er propose donc de limiter l’appel à des huissiers de justice pour le recouvrement des cotisations par le RSI aux seuls cas ayant donné lieu à une décision du tribunal des affaires sociales et qui donne raison à celui-ci, tout en lui imposant de privilégier la voie amiable et raisonnable avant toute action juridique. Vécue comme un véritable traumatisme par l’ensemble des familles, l’arrivée d’huissiers de justice frappant à la porte des indépendants et saisissant les meubles est récurrente. De plus, il suspend l’application de majoration de retard sur les montants appelés en cas de contentieux, afin d’alléger la pression financière sur les entrepreneurs qui ne peuvent, bien souvent, plus faire face aux sommes exigées.
L’article 2 instaure une procédure de conciliation préalable à tout envoi de mise en demeure par le régime social des indépendants à un cotisant ou de procédure judiciaire.
L’article 3 pose, quant à lui, la question de la création d’un fonds d’indemnisation des cotisants ayant subi un préjudice du fait des dysfonctionnements du RSI. En effet, certains cotisants ont perdu leur entreprise du fait même de ces dysfonctionnements. Il faut donc que l’Etat prenne ses responsabilités et indemnise ceux qui en ont été victimes.
Par ailleurs, l’article 4 permet aux travailleurs indépendants non-agricoles qui le souhaitent de pouvoir s’affilier au régime général de la sécurité sociale pour une durée de trois ans reconductible tacitement. Ils seront dès lors libres de choisir le régime dont ils souhaitent dépendre, mais aussi de revenir sur leur choix le cas échéant. Ceci offrira aux indépendants plus de flexibilité dans le choix de leur régime social.
Simplifier le règlement des cotisations et comprendre le calcul de leurs montants est l’une des demandes récurrentes des indépendants. Ainsi, l’article 5 permet aux indépendants d’opter pour l’auto-déclaration et l’auto-liquidation des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants non agricoles. Les cotisations et contributions sociales seront ainsi calculées et recouvrables mensuellement ou trimestriellement. Le calcul annuel demeurera néanmoins la règle générale, l’auto-liquidation et l’auto-déclaration un régime dérogatoire.
Toujours dans un but de simplification des procédures administratives, l’article 6 prévoit que l’absence de réponse du Régime social des indépendants équivaut à un accord implicite de l’administration pour toute question posée par un affilié. Ainsi dans le cadre du rescrit social, l’absence de réponse à une demande portant sur le recouvrement équivaudra à un accord implicite de l’organisme social, une fois le délai fixé par décret dépassé.
Afin d’améliorer le calcul et le recouvrement des cotisations sociales, l’article 7 étend la possibilité pour le RSI de passer des conventions avec les Urssaf afin que celles-ci se chargent de cette mission, comme elles le font déjà aujourd’hui avec les autoentrepreneurs.
Dans un but d’amélioration de l’action du RSI, l’article 8 prévoit que la Cour des Comptes devra certifier les comptes de ce régime. Cette procédure permettra au conseil d’administration du RSI, mais aussi au législateur et au gouvernement, de mesurer davantage les besoins de performance du régime afin d’équilibrer son exercice et de le rendre plus efficient.
Afin de faciliter davantage la vie des entrepreneurs, l’article 9 offre la possibilité d’étaler sur trente-six mois le règlement des cotisations en cas de diminution substantielle du chiffre d’affaires des cotisants. Ceci permettra notamment aux indépendants qui subissent une baisse d’activité de pouvoir assumer le règlement des cotisations calculées sur base d’un chiffre d’affaires antérieur.
Pour permettre aux affiliés de connaître leur situation de retraite, l’article 10 impose l’envoi à chaque cotisant d’un relevé individuel de situation reprenant l’ensemble des droits acquis dans chacun des régimes de retraite de base et complémentaires obligatoires auxquels il appartient. De plus, à partir de 55 ans, ce relevé de situation individuelle devra comporter une estimation indicative de la future pension de retraite qui sera calculée sur base des cotisations versées. De plus, en cas d’erreur ou d’omission constatée par le cotisant sur son relevé individuel, celui-ci pourra faire appel au Médiateur du Régime social des indépendants afin d’apporter les corrections nécessaires.
Afin de faciliter la liquidation des droits à la retraite des indépendants en fin de carrière, l’article 11 crée un « droit opposable à la retraite » pour les travailleurs indépendants non agricoles. Ce droit permettra à tout affilié au RSI de se voir verser, au bout de quatre mois, une pension de retraite provisoire qui sera révisée par la suite dans un délai maximum de six mois, ce qui assurera ainsi la continuité de ressources pour les assurés, tout en les incitant à déposer leur demande en amont.
Enfin, l’article 12 demande au Haut Conseil du financement de la protection sociale de remettre un rapport au Parlement sur la mise en place d'un « bouclier social » pour l'ensemble des indépendants. Celui-ci aurait pour objectif de créer un plafond au-delà duquel les indépendants ne seraient plus appelés à cotiser davantage et garantirait un revenu préservé pour les entrepreneurs.